La redondance (de l’information), c’est comme le cholestérol : il y a la bonne et il y a la mauvaise. La bonne correspond à l’information en plus ; la mauvaise, à l’information en trop.
La redondance positive, celle de l’information en plus, concerne la sauvegarde délibérée des données : les données stockées sur des serveurs, des disques, des fichiers, sont redondées, c’est-à-dire, dupliquées, voire tripliquées sur d’autres serveurs, disques, fichiers, dans un but de sécurité. La copie de sécurité existait déjà avec la copie manuelle, la photocopie ou le microfilm mais cette acception du mot redondance ne s’est développée qu’avec l’informatique. Cette redondance est technique, déconnectée du sens de l’écriture. Elle vise l’enveloppe, le support, pour prévenir une défaillance du système, et non le contenu qui reste cependant le bénéficiaire final de l’opération.
La redondance négative, celle qui correspond à l’information en trop, est assez subtile. J’en distingue trois types : la redondance administrative, la redondance documentaire et la redondance archivistique.
La redondance administrative renvoie à la production de documents superflus dans l’accompagnement d’une tâche, par exemple la lettre ou le bordereau d’envoi d’une facture ou d’une attestation, du même signataire, mentionnant seulement « ci-joint la facture » ou « ci-joint l’attestation ». Ces documents d’accompagnement sans valeur ajoutée, outre le gaspillage de temps et de papier, dénote l’application irréfléchie d’une procédure inadaptée, un goût de l’emphase parfois, un manque de sobriété assurément.
La redondance documentaire est issue de la reproduction, par divers acteurs, d’un texte publié par un autre, le véritable auteur. Le procédé est en vogue sur le Net où, pense-t-on, l’espace ne coûte rien et peut rapporter beaucoup… Le cas le plus typique est la reproduction des dépêches de l’AFP, coquilles comprises, contribuant à « la vacuité des professionnels de “la com’” » dénoncée par cyceron. La diffusion pour son propre compte d’une reproduction prime la rediffusion d’une production qui serait plus honnête. On peut y voir la flemme de la réécriture ou l’incompétence du commentaire.
La redondance archivistique est la conséquence organique des processus, parfois complexes, d’élaboration des connaissances et des décisions.
D’une part, la production de statistiques, de journaux comptables, de rapports scientifiques ou d’études économiques suppose la collecte de documents bruts, traités et récapitulés dans un document définitif. Les informations récapitulées sont redondantes, partiellement comme dans un bulletin de salaire dont le mois de décembre ne reprend pas toutes les données de l’année et n’autorise pas à détruire les onze premiers bulletins, ou intégralement comme dans des formulaires d’enquêtes dont toutes les données sont compilées dans la restitution finale.
D’autre part, la ramification des processus de concertation, d’approbation et de décision se traduit par la production de nombreux exemplaires d’un document (les destinataires) ou d’un dossier (les membres de la commission) dont certains resteront de passives copies tandis que d’autres vivront leur propre vie, alimentés par d’autres informations, façonnés par un autre classement, enrichis par un autre contexte, intégrés dans un autre fonds.
La redondance archivistique conduit au tri, à la nécessaire destruction des archives inutiles car si la disparition de documents apparemment redondants peut s’avérer catastrophique, la grande majorité des documents redondants n’a pas d’intérêt à être conservée, conservation qui coûte, quoi qu’on en dise. La question est d’évaluer correctement le degré de redondance, sur une échelle qui est malheureusement encore à inventer et à normaliser, en fonction d’une analyse argumentée du niveau de risque de la perte d’un document pour les besoins de preuve et de mémoire des métiers d’abord, pour les historiens ensuite. À moins que le sujet de l’étude historique ne soit la redondance elle-même…
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