La définition que donne du substantif « merdouille » le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) est séduisante : « Situation désagréable, ennuyeuse ; chose insignifiante ». C’est un mot antithétique bien sympathique. La connotation négative portée par la racine du (gros) mot est plaisamment atténuée par son suffixe qui « donne une note plaisante, populaire, argotique, diminutive voire affectueuse » (dixit le Wiktionnaire).

De fait, visuellement et phonétiquement, une merdouille est bien préférable à une merdasse, de même que la gadouille est généralement plus attractive que les godasses qui permettent de marcher dedans (à noter à ce propos qu’on ne marche pas dans la merdouille ; on la subit).

Merdouille est surtout constitutif d’une interjection très française, trop peu utilisée à mon goût.

« Merdouille de merdouille ! », s’exclama un jour une personne un peu snob de mon entourage en apprenant qu’un problème de transport public l’empêcherait d’aller là où elle voulait se rendre. Sans recourir directement au mot de Cambronne, banni de son vocabulaire un tantinet affecté, elle aurait pu dire :

  • Zut de zut ! (plus commun)
  • Crotte ! (trop enfantin)
  • Flûte ! (un peu faible)
  • Merdre ! (avec le risque que ceux qui ne connaissent pas le père Ubu y voient bêtement un lapsus linguae ou une faute de frappe).
  • Shit! (c’est radicalement court et cela donnerait raison à ceux qui affirment que la langue française a besoin de plus de mots, du moins de plus de lettres pour dire les choses).

Non, rien de mieux, dans certaines circonstances que cette expression à la redondance étudiée qui intensifie le constat et souligne la profondeur de l’émotion. Merdouille de merdouille, c’est comme rien de rien, comme le blanc de blanc, la crème de la crème, la der des ders, la fin des fins, les siècles des siècles, etc., avec la particularité que l’ambivalence du mot (problème versus insignifiant) se trouve elle aussi renforcée. La situation est intensément désagréable et profondément insignifiante.

Bref, c’est la formule idéale, non seulement quand une grève ou une panne technique supprime le train qu’on voulait emprunter, mais aussi quand on reçoit un spam qui fiche le bazar dans la boîte de messagerie, quand on se fait pirater ses mots de passe, quand un agent de sécurité fait déballer le sac qu’on avait pris soin de bien ranger, quand une fête de village barre la route le jour de retour des vacances et oblige à une déviation, quand on perd ses photos de voyage, quand une panne électrique a irrémédiablement ramolli le contenu du congélateur, quand on a trié ses vieux papiers en faisant deux tas et qu’on a finalement jeté le tas qu’il fallait garder, quand…

Au regard de problèmes plus graves qui pourraient se produire, je conclus que « merdouille de merdouille ! » est une interjection aussi positive que chatoyante.