Féminisation des noms de métiers, écriture inclusive, revendication d’une égalité réelle des droits entre les personnes masculines et les individus féminins, etc. : tous ces sujets occupent une place non négligeable dans la vie sociale, en suivant le sens de l’Histoire.

Le féminin est à l’honneur et je ne m’en plains pas. Mais attention aux excès de langage et à leur message subliminal.

On peut faire évoluer le vocabulaire sans faire violence à la grammaire. Les suffixes, oui. Les accords de l’adjectif, oui, ou non, comme on veut. Mais les articles ont tout de même un sens et il est triste de les voir maltraiter.

C’est pourtant ce que font ceux et celles qui parlent de LA data et de LA RGPD :

La data, une nouvelle arme de séduction massive

Le règne de la data. Les Français se convertissent à vitesse grand V à l’Internet mobile.

Le Salon de la Data à Nantes

La data, nouvelle alliée du luxe

La data, un carburant pour la créativité. En embrassant la data, la créativité gagne en pertinence et en flirtant avec la création, la data devient un aimant émotionnel.

Data est un mot pluriel, en anglais. En latin, data est un pluriel neutre : datum, data : les choses qui sont données. En français, on dit (on devrait dire) justement : les données.

Parler des données au singulier laisse penser qu’il s’agit d’une seule et unique masse, comme on parlerait de la mer, du cosmos ou du pétrole, comme s’il n’y avait pas de données élémentaires (data elements en anglais), comme s’il n’existait pas d’agrégats de données avec chacun leurs particularités.

Parler de LA data, outre la faute d’accord, supporte une vision globalisante d’un tout indissociable, ce qui est loin de correspondre à la réalité. Les données ne sont pas toutes fondues dans une même mélasse dont elles ne sauraient se distinguer ou échapper. Il y a des données structurées et des données non structurées ou semi-structurées. Il y a des données ordinaires et des données sensibles. Il y a des données longues (qu’il faut conserver plus de dix ans) et des données courtes (qui n’ont plus d’intérêt après quelques années. Il y a des données techniques, des données scientifiques, des données administratives. Et il y a les métadonnées.

Alors, la data, la data, la data et tout le tralala, basta !

La transformation de ce neutre pluriel en féminin singulier est cependant assez intéressante à analyser. On peut y voir le poids du « a » comme vecteur de la féminité dans l’inconscient collectif.

Parce que, évidemment, les mots en -a sont féminins : la sangria, la paella, la smala, la bamboula, la vodka, la pampa, la mama, etc. mais aussi les prénoms : Irma, Eva, Esmeralda, Natacha, Maria, Sara, Léa…

Mais alors, que faites-vous de Joshua, d’Andrea, de Volodia, de Sacha, de Nikita, d’Akira, de Mustapha, d’Agrippa et de Krishna ? Et du tapioca, du banania, du pyjama, du seringa et du yoga ?

Ah ! Les ministres ont beau se démener pour supprimer l’apprentissage du latin au collège, le Rosa, rosa, rosam semble bien ancré pour associer dans l’esprit des francophones la désinence -a au genre féminin. Et grâce à la mélodie de Jacques Brel, on retient la déclinaison sans y penser.

Si on en croit Google, « smart data » est employé deux fois plus au féminin qu’au masculin. En revanche, « la big data » est plutôt rare. C’est que, quand c’est gros, c’est plutôt masculin… Enfin, il ne faut pas généraliser ; il y a des contre-exemples célèbres, ne serait-ce que la grosse Bertha.

Bref. Une des thématiques les plus commentées autour des données est la prochaine entrée en vigueur (25 mai 2018) du Règlement général pour la protection des données personnelles (RGPD), en anglais General Data Protection Regulation (GDPR).

La data est toujours là ! C’est peut-être une des raisons de la « féminisation » du règlement européen. En effet, on en parler régulièrement comme LA GDPR ou LA RGPD, ce qui agace quand on est attaché à la grammaire mais on peut aussi en sourire. C’est qu’il n’y a pas de fumée sans feu et cette féminisation n’est sans doute pas tout à fait neutre (si j’ose dire).

N’est-ce pas une façon, plus ou moins consciente chez ces cancres de la langue française, de se représenter le règlement sous les traits d’une femme et de l’idéaliser, afin de mieux la séduire et la conquérir ? Voire, chez les pires sujets, un moyen de la rabaisser et de la mépriser…. ?

Et les locutrices (car il n’y a pas que des hommes à s’exprimer ainsi) épouseraient la cause de la féminisation du règlement pour diverses raisons : mimétisme séculaire (si les hommes le disent, on le dit aussi), intérêt (entre filles, on s’entend mieux), etc.

Tout ceci n’est qu’une petite théorie, genre.

 

2 commentaires

  1. EXCELLENT ! Encore un effort cependant : il faut trouver une silhouette masculine pour LE RGPD …

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