Il y a quelque temps, j’ai été invitée par une université de province à faire une communication dans un colloque. J’ai accepté volontiers (j’adore parler du RGPD).

L’accord de principe étant donné, on me dirige vers l’étape administrative. En tant qu’universitaire, je ne suis pas rémunérée pour cette intervention, mais je suis « défrayée ». Puisqu’on me le propose, plutôt que de me faire rembourser le billet de train sur présentation des « justificatifs » après le colloque, j’opte pour la formule où ce sont les services de l’université qui achètent le billet de train (de seconde classe bien sûr) et me l’envoient par mail. Eh oui! Le numérique, c’est bien pratique.

Mais, comme on dit, c’est plus compliqué que ça. Car d’avant d’être défrayée me voilà effrayée en parcourant les deux documents « à remplir pour réservation de train », à savoir une « fiche création d’un nouvel agent » et une « fiche création ordre de mission ». Je dois renseigner: mon identité et ma fonction (normal), mes adresses personnelle et administrative (allons-y), mon adresse mail (celle qui a servi déjà à acheminer les formulaires), le téléphone (ça va avec), le jour et heures de départ et d’arrivée (ça, c’est l’essentiel pour cette opération). J’indique encore ma date de naissance, ce qui est logique car la SNCF exige qu’elle figure sur le e-billet.

Et voilà qu’on me demande encore mon numéro de Sécurité sociale et mon RIB! Pour acheter et me faire suivre un billet de train… Tout cela pour aller parler du RGPD dans un amphi; c’est assez cocasse, et surtout incohérent. Or, dans ce monde sans dessus-dessous, la cohérence est une vertu à laquelle j’essaie de m’accrocher. Et ce n’est pas gagné!

Je décide de renvoyer les documents au service administratif sans ces dernières informations, en précisant que cela ne me paraît pas conforme à la réglementation européenne sur la protection des données à caractère personnel de me réclamer mon n° de Sécu pour acheter un billet de train, et que je ne vois pas non plus à quel titre on me demande un RIB puisqu’il n’y aura aucun versement financier.

Réponse qui n’en est pas une: « Le RIB est fourni par tous les intervenants qui veulent être remboursés ou qui souhaitent qu’on réserve leur titre de transport ». Le RIB est « indispensable » pour établir un ordre de mission sans frais (comment un établissement qui n’est pas mon employeur peut-il me donner un ordre, de mission ou d’autre chose?). Quant au n° de Sécu, « le service financier en a besoin pour vous enregistrer dans notre logiciel » et on me précise, pour me rassurer, que ma fiche ne quittera pas le service financier…

Il est évident qu’il n’y a pas à discuter davantage. Je cède ou mon intervention est annulée. Il me vient alors l’idée de me doter d’un faux numéro de Sécurité sociale. Je ne peux guère jouer avec les premiers numéros mais je peux inventer la suite. Ce que je fais et j’envoie. Personne n’y trouve à redire, preuve que les données ne sont pas vérifiées et que leur collecte est abusive. J’ai transmis mon RIB, de guerre lasse (sait-on jamais, un virement égaré qui passerait par là…).

Quelques mois plus tard, je me trouve à intervenir de nouveau dans la même université pour une autre manifestation. Rebelote pour les documents administratifs. Heureusement, j’ai « archivé » mon faux numéro de sécu pour cette université. Je remplis donc un imprimé cohérent avec les données déjà transmises. D’ici qu’une « intelligence artificielle » fasse envoyer le billet de train au véritable titulaire de mon faux numéro de Sécu, les poules se feront rembourser leurs frais dentaires à 100%!

Cela dit, il va bientôt me falloir un logiciel pour gérer toutes mes fausses identités car je n’en suis pas à mon coup d’essai. RGPD oblige.

9 commentaires

  1. Bonjour Marie Anne et meilleur voeux

    Bravo pour cette idée de donner des fausses infos.
    On peut penser que nos informations dissiminées inutillement dans des dizaines d’organisations seront statistiquement volées plusieurs fois dans les 10 prochaines années, Autant donner de fausses infos aux  »voleurs ».

    • Merci Sylvain,
      Cela dit, il faut gérer derrière, quand on diffuse de fausses infos sur Internet… Il y a potentiellement un effet boomerang (je parle en connaissance de cause ;-)).
      Bonne année à vous,
      MAC

  2. Bonjour,
    A lire votre expérience je pense que certaines étapes sont légitimes. Déjà, votre statut pour cette intervention fut celui de vacataire. Vous le dites vous-même avec la complétion d’une fiche « nouvel agent ». Or, la collecte du NIR est indispensable en cas d’accident ou de maladie du travail, qui auraient pu survenir durant votre intervention. L’employeur aurait alors été dans l’embarras avec ce faux NIR car il doit lui même déclarer l’accident/maladie à la sécurité sociale… Pour ce qui est du RIB, en effet cette collecte est excessive, car sans finalité… Ce qui n’est pas normal en outre, c’est que les agents en question n’aient pu vous renseigner autrement que par « le logiciel le demande. », Traduisant un manque de sensibilisation de la structure.
    Bien cordialement.

    • Merci de votre témoignage. Je ne pense pas avoir eu le statut de vacataire pour cette intervention. Il n’a jamais été question de vacation et, sauf erreur de ma part, une vacation est rémunérée. L’argument de l’assurance n’a pas non plus été évoqué et je suis assurée autrement. Tout cela n’est décidément pas clair…

  3. Bonjour,
    Peut-on déduire du fait qu’une donnée n’est pas contrôlée que sa collecte est abusive ? Est-ce une règle ?
    Merci

    • Non. Dire les choses comme ceci est un raccourci. Ce que je disais est que si l’information collectée est fausse mais que cela n’a aucune conséquence, on peut penser qu’elle ne sert à rien. Si les données ne servent à rien, leur collecte est abusive. Pour reprendre les termes du RGPD, la collecte de mon n° de sécurité sociale n’est pas justifiée par une finalité déterminée, explicite et légitime (article 5 du règlement). Donc, elle ne devrait pas avoir lieu.
      Merci pour votre commentaire.

  4. Je me souviens que tu avais déjà affiché, dans ce blog ou dans un autre, un numéro fictif. J’avais remarqué la supercherie grâce, si mes souvenirs sont bons, au nombre invraisemblable de communes dans ton département de naissance qui était sous-entendu par l’antépénultième champ d’icelui numéro. As-tu archivé mon commentaire que tu avais, fort libéralement, laissé paraître ? Oui, sûrement, comme je te connais…

    • Cher Thibaut, j’ai le souvenir également de ma supercherie et de ton commentaire. Oui, j’ai dû garder la trace de notre échange (comme je me connais…). Cependant, je dois avouer que cette trace est de celle que l’on peut trouver au hasard d’un feuilletage, mais pas de celle que l’on peut chercher. D’autant plus que, dans mon souvenir à moi, la faille de ma forgerie était que je me faisais naître en 1917… et pas le nombre de communes de mon département de naissance.
      Vérification faite, nous avons tous les deux raison! Tu peux vérifier le billet, intitulé tout bonnement : Numéro
      Je ne sais pas finalement si j’ai archivé notre échange; mais le blog, lui, a bien archivé les commentaires de 2013.

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