Le mot est à la mode au plan politique, profitons en !

Exemplarité : qualité de ce qui est exemplaire. Que veut dire exemplaire ?

Voilà un mot curieux, presque paradoxal. D’un côté, l’acte exemplaire, le modèle de référence, l’exemple à imiter, la voie à suivre ; de l’autre, le substantif « exemplaire », à l’autre bout de la chaîne, désigne toute reproduction d’un objet, par exemple un livre, un journal ou un disque : tirage à 20 000 exemplaires, 300 000 exemplaires vendus, etc., faisant de l’exemplaire quelque chose de tout à fait banal, par opposition à l’unicité de l’original.

L’acte exemplaire est appelé à être reproduit ; et la reproduction mécanique de l’objet crée l’exemplaire. On parle aussi d’exemplaire pour qualifier un spécimen d’une espèce végétale ou animale qui est considéré comme représentatif dans une collection.

La point commun est l’appropriation : on s’approprie l’acte exemplaire pour réaliser une action aussi remarquable, noble ou spécifique dans sa technicité ; on crée l’exemplaire en sciences naturelles par la sélection d’un individu parmi d’autres ; on s’approprie l’exemplaire du livre en y inscrivant son « ex-libris », ou, pour une bibliothèque, en pratiquant l’exemplarisation, terme professionnel pour l’opération de catalogage. Chaque exemplaire a ainsi un petit plus lié à son histoire particulière ou à celle de son propriétaire.

Pour l’écrit qui n’est pas destiné à diffuser des connaissances mais à supporter l’activité des personnes dans leurs relations de travail, contractuelles, hiérarchiques ou administrative, on parle aussi d’exemplaire, comme synonyme de copie, avec des valeurs et des usages assez nuancés : les trois ou quatre exemplaires de la liasse auto-carbonée dont chacun a un destinataire précis, le nombre de copies d’un dossier de réunion que chaque participant annotera et classera à sa façon. Ce qui, dans le cas de plus en plus fréquent d’une multitude d’exemplaires au sein d’une même structure, conduit à créer l’expression « exemplaire de référence », sans que ce soit une tautologie ; il faut comprendre : un « exemplaire exemplaire », ou un exemplaire² en quelque sorte.

Le numérique met bien sûr son grain de sel dans tout cela : les réseaux favorisent la publicité de l’acte exemplaire, la mise en ligne d’un journal réduit le nombre d’exemplaires en le remplaçant par des connexions et des visites de site, la photo numérique permet d’analyser et de décrire le spécimen plus précisément, et les outils collaboratifs et de messagerie s’ingénient, avec la complicité d’utilisateurs inconséquents, à multiplier les exemplaires tous azimuts, brouillant à l’envi les pistes de la « bonne version », semant perfidement des traces inutilement bavardes dans des espaces non protégés, engraissant les armoires et les serveurs jusqu’à l’infobésité fatale…46-exemplarite

Ainsi, pour revenir à l’exemplarité, on peut dire que, l’archivage (numérique), pour être exemplaire, doit être particulièrement vigilant à maîtriser le nombre d’exemplaires de chaque document, tant pour gérer le risque que pour accroître l’efficacité de l’organisation. CQFD.