Comme document, une ordonnance est une recommandation émanant d’une autorité, généralement un médecin ou un gouvernement, avec application immédiate. L’ordonnance énonce ce qu’il faut faire pour résorber un dysfonctionnement, remettre de l’ordre là où le désordre s’est manifesté, là où un vice enraye le bon fonctionnement du corps, humain ou social. En principe.

L’ordonnance peut également émaner du juge, avec les noms toujours poétiques du langage juridique : ordonnance de référé, ordonnance de renvoi (rien à voir avec les RGO ou reflux gastro-œsophagiens – le bicarbonate de sodium n’est là d’aucun secours), ordonnance de non-lieu et ordonnance non-conciliation (les ordonnances de oui-quelque chose n’ont pas droit de cité), ordonnance de prise de corps, ordonnance de soit-communiqué, etc.

En dehors des cadres médical, législatif et judiciaire, la rédaction d’une ordonnance est purement gratuite. Celle qui suit l’est doublement : elle est sans fondement officiel et elle ne coûte rien.

Symptômes : perte de mémoire historique et gaucheries caractérisées dans le maniement de l’information et des outils numériques.

Prescription :

  • ingérer l’ordonnance de Villers-Cotterêts promulguée par le roi de France François 1er (à l’époque François tout court – il en va du nom des rois comme du nom des papes, on numérote à partir du second) en 1539 ; outre la particularité d’être le plus ancien texte législatif français encore en vigueur (du moins les articles 110 et 111 concernant la langue française), l’ordonnance de Villers-Cotterêts est à l’origine de l’état civil puisqu’elle instaure la tenue de registres des baptêmes des sujets du roi ; l’enregistrement des mariages et des sépultures suivra en 1579 avec l’ordonnance de Blois ; la tenue en double des registres (mesure de sauvegarde pour l’archivage) sera décidée par l’ordonnance de Saint-Germain-en-Laye en 1667 ; quatre siècles et demi plus tard, tous les États n’ont pas encore mis en œuvre cette pierre angulaire de l’archivage national ;
  • inhaler les « Ordonnances de juillet », appellation collective de plusieurs ordonnances prises par Charles X le 25 juillet 1830 ; ces ordonnances-là prévoyaient s’inscrivent dans un tout autre registre : le roi décide de suspendre la liberté de la presse, dissoudre la chambre des députés et modifier le système électoral… L’effet réel à l’opposé de l’effet recherché, fut de provoquer une insurrection les 27, 28 et 29 juillet (les Trois Glorieuses) et la chute peu glorieuse du roi ; comme quoi, légiférer par ordonnance est effectivement très rapide mais le lieu d’atterrissage n’est pas garanti… À méditer (l’histoire est un anticorps mais les politiques sont en général trop prétentieux pour croire qu’ils peuvent être malades) ;
  • siroter ou suçoter (pour une fixation efficace de leur principe actif) les différentes ordonnances du XXIe siècle (prises par des gouvernements de droite et de gauche) relatives au développement de l’administration électronique et à l’évolution du droit dans l’environnement numérique (en lien avec la reconnaissance légale de l’écrit électronique de la loi du 13 mars 2000) – commencer par l’ ordonnance du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, et celle 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. Pour la posologie (volume de texte à absorber, fréquence de lecture et de relecture, renouvellement du traitement), cela dépend du degré de maturité du patient face à la société numérique ; par exemple, pour ceux qui impriment encore sur papier les documents validés sous forme électronique au motif que « le papier seul fait foi », il est recommandé de tripler la dose. Si les symptômes persistent, il faudra envisager une opération…