Maintenance. Ce pourrait être un mot qui signifie l’art de vivre « ici et maintenant », hic et nunc. Les adeptes de la maintenance seraient ceux (et celles) qu’on appelle communément les épicuriens, ou encore, et c’est assez différent, ceux et celles qui se concentrent sur l’instant présent, pour qui ce qui s’est passé hier est déjà sorti de la vie et ce qui se passera demain ne compte pas. Les réseaux sociaux sont une formidable illustration de cette « maintenance »-là…

Mais ce n’est pas le cas. La maintenance est une activité technique qui consiste à effectuer les travaux, de manière curative mais aussi préventive, pour assurer le bon fonctionnement d’un équipement dans la durée (et pas seulement maintenant !). Le fait d’entretenir, réparer, ou vérifier une machine pour éviter des dysfonctionnements est pratiquement aussi ancien que l’existence des machines, ce qui remonte très loin dans l’histoire, et le mot « entretien » en français désigne ces tâches depuis longtemps. Pourtant le terme de maintenance dans ce sens est récent en français (fin du XXe siècle) et si on le rencontre plus tôt dans la littérature, c’est pour exprimer le fait de maintenir une idée, une attitude… ; dans son acception technique actuelle, le terme est un emprunt à l’anglais (un des très nombreux mots latins de l’anglais) via le vocabulaire du monde industriel. Une langue crée de nouveaux mots quand elle en a besoin.

La première définition normative de la maintenance date de 1994 dans un texte de l’AFNOR. Mise à jour en 2001, elle dit « Ensemble de toutes les actions techniques, administratives et de management durant le cycle de vie d’un bien, destinées à le maintenir ou à le rétablir dans un état dans lequel il peut accomplir la fonction requise. »

C’est que le développement industriel et la sophistication des outils ont conduit à spécialiser des métiers sur ces opérations pour en faire une activité à part entière, avec ses règles, ses techniques et ses formations spécifiques, et même son jargon, par exemple avec la TMA (tierce maintenance applicative) qui s’est imposée dans toutes les religions (et que même l’athée aima…).

Du coup, maintenance et entretien cherchent à redéfinir leurs périmètres respectifs d’intervention. D’après Wikipédia, « la maintenance concernerait tout ce qui fait appel aux énergies (électricité, pneumatique, mécanique, hydraulique, automatique, électronique, informatique, etc.) tandis que l’entretien concernerait tout ce qui n’est pas technologique (nettoyage, peinture, plomberie, serrurerie, menuiserie, vitrerie, etc.) ».

Et, soudain, une question me traverse l’esprit : qu’en est-il de l’information ? Est-elle entretenue ? Est-elle maintenue ? Ou n’est-elle qu’une chose immatérielle attachée à l’instant présent, une manifestation du « maintenant » ?

Certes, on entretient les documents, supports de l’information, au moyen de pochettes plastifiées pour éviter de les salir ou de les déchirer sur le court terme, ou au moyen de chemises en papier neutre pour le grand voyage dans le temps, ou bien en rafraîchissant des bandes magnétiques, ou encore en migrant les données sur un autre support.

Certes, on maintient les systèmes informatiques où circulent les données, où sont stockés les documents numériques, où sont capturées les traces de connexion, grâce à des sauvegardes, des contrôles, des tests, des développements, des mises à jour système, etc.

Mais l’information elle-même ? Puisqu’elle n’est pas réductible au support qui ne fait que l’héberger à une date donnée, ni réductible au système par lequel elle transite, on devrait pouvoir répondre à la question ! Je vais avancer une suggestion : du point de vue de son propriétaire (la personne physique ou morale qui en assume l’existence et les conséquences), l’information doit être maintenue, c’est-à-dire que ce propriétaire doit prendre les mesures préventives et curatives pour éviter une défaillance de cette information (sa non-disponibilité) et des accidents (sa mauvaise utilisation) ; du point de vue de l’utilisateur, l’information s’entretient – comme la rumeur mais aussi comme la santé – en la manipulant, en la retweetant, en la recopiant, en l’expliquant, en la commentant, etc.

Mais ce n’est qu’une suggestion…