Dans le même ordre d’idée que mon précédent texte sur l’algorithme coupeur de tête, voici un autre billet, apparemment tout aussi léger, sur l’algorithme relookeur, l’algorithme qui substitue intégralement à l’image de la personnalité dont on parle ou qui s’exprime l’image de quelqu’un d’autre, en l’occurrence, celle du journaliste, ou plutôt de l’animateur de radio, possiblement atteint de narcissisme aigu.

Quand le journaliste n’est pas très connu et que la personne interviewée ne fait pas partie des plus en vue de l’espace médiatique, on peut parfois, grâce au genre (qui sert encore à quelque chose), se rendre compte au premier regard qu’il y a un loup, par exemple avec ceci:

Dans ce post, l’œil de l’internaute glisse de l’illustration au titre et adresse au cerveau comme une petite alerte: tiens, je ne connais pas Brigitte Klinkert mais elle a une drôle de tête, non? Quel intérêt de montrer les dents du journaliste? C’est pour une pub de dentifrice spécial EHPAD ?

Dans mon observation quotidienne de la désinformation subliminale sur les réseaux sociaux, je constitue au fil de l’eau une petite collection de copies d’écran. Sur la thématique « usurpation de l’identité visuelle », mes deux plus beaux spécimens de l’année sont respectivement Bruno Latour (en avril) et Bernard-Henri Lévy (en septembre), euh, je veux dire Nicolas Demorand et Patrick Cohen, euh… je ne sais plus. Jugez vous même:

Et aussi:

En période de carnaval, je comprendrais que se déguiser en Nicolas Demorand ou en Patrick Cohen puisse apparaître comme un must… Il y a toujours des gens pour avoir des goûts fort éloignés des siens…

Mais, à n’importe quel moment de l’année, ces images constituent un instrument de désinformation. On me rétorquera que ce n’est que de la « malinformation » car il n’y a pas intention de tromper l’internaute. Je n’en suis pas convaincue. J’y vois surtout une absence d’intention d’informer ce qui, pour un média, est un manquement coupable car c’est bien sciemment qu’on laisse le public amalgamer une image et un titre qui ne vont pas ensemble.

C’est à se demander, quand on sait le poids de l’image dans la diffusion de l’information, si les portraits de ces animateurs-vedettes mis à la une n’ont pas pour effet d’amoindrir la perception du message de Brigitte Klinkert, de Bruno Latour ou de Bernard-Henri Lévy sur la gestion de la crise sanitaire (du reste, les autres sujets sont logés à la même enseigne).

J’aimerais tout de même savoir combien de personnes ont vu (passivement), voire ont regardé (activement) ces posts, tweets ou pages web sans connaître d’avance le visage de Bruno Latour ou celui de BHL et, éventuellement, ce qu’elles en ont pensé. Je suis sûre qu’il y en a mais j’ignore la proportion. Cela me fait penser à ceux qui entendant un jour l’air de la chevauchée des Walkyries à la radio se disent que le compositeur a copié Apocalypse Now… On ne sait plus qui est qui ni qui fait quoi ni quand.

Comme pour les têtes coupées, je m’étonne que cela ne fasse pas plus réagir, et ce constat, finalement, me donne à comprendre que les GAFA et les médias de masse ont la vie belle…

Ah ! Comme le disait naguère une autre journaliste: Quelle époque épique!