Oui, offrez-moi du papier à lettres plutôt qu’un téléphone ou un ordinateur. Car j’ai renoué avec la correspondance papier. Mais pourquoi donc ?

À cause de la cybersécurité ? Non. 2022 a pourtant battu des records du côté de la cybermalveillance et personne n’est épargné. Et 2023 sera pire… Communiquer par le réseau mondial n’est donc pas sans risque (en comparaison, le risque qu’un facteur indélicat détourne une enveloppe ou que le courrier glisse inopportunément d’un sac postal est ridicule).

En raison de l’impact écologique des mails ? Pas du tout. Certes, l’empreinte carbone de la messagerie électronique n’est plus à démontrer mais la production du papier n’est pas neutre sur le plan de l’environnement, même si on peut trouver du papier à lettres recyclé tout à fait ravissant.

Par nostalgie du bon vieux temps d’avant Internet ? Non plus. Bien sûr, quand on reçoit une jolie enveloppe, avec un beau timbre, et que l’on déplie une belle feuille de papier recouverte d’une séduisante écriture manuscrite, le plaisir est sans égal. Mais il faut vivre avec son temps.

La principale raison de mon penchant pour la correspondance papier est que celle-ci s’avère finalement plus efficace en termes de temps et d’énergie dépensée pour traiter un problème. Et en ces périodes d’économie d’énergie, l’avantage du courrier postal est évident.

Pour illustrer mon propos, je vais prendre un exemple, fictif mais qui synthétise assez bien mon expérience récente avec une bonne dizaine d’interlocuteurs commerciaux ou institutionnels.

Alors voilà. J’ai acheté une bouilloire électrique rouge. Or, je me rends compte que l’appareil présente une anomalie préoccupante. Je dois la signaler à l’Administration Régionale pour la Gestion de l’Habitat (ARGH !) où j’ai un compte.

Je me connecte au site de l’ARGH. Ça commence mal :

« Nous n’avons pas pu vous identifier. Veuillez vérifier et modifier éventuellement les informations que vous venez de saisir. »

Et ça ne continue pas mieux :

« Nous ne comprenons pas votre demande. Merci de respecter les choix du menu. »

Je persévère. Sans succès :

« Une maintenance informatique est en cours. Vos services seront de nouveau disponibles très prochainement. Veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée. Vous pouvez nous contacter par téléphone. »

Je m’obstine et renouvelle plusieurs fois l’opération, en vain. En revanche, à chaque fois, à peine suis-je connectée que s’affiche une fenêtre d’avis. Je comprends là que l’objectif de l’organisme n’est pas de répondre aux utilisateurs et aux administrés mais d’avoir le plus possible d’avis pour satisfaire aux indicateurs de performance (KPI). Quelle est la proportion des ressources de l’organisme qui a été retirée du service des usagers pour être affectée à la gestion des avis ? Allons, je m’égare… Puisque l’échange via le site ne fonctionne pas, essayons le téléphone.

Je compose le 66 77 88.

« Bonjour, vous êtes bien à l’ARGH…. La nouvelle réglementation… Pour les personnes titulaires de… Si vous résidez à la montagne… ».

Après trois minutes de baratin hors sujet pour mon appel, j’entends enfin une vraie-fausse voix qui me dit :

« Si vous appelez pour un aspirateur, tapez 1 ; pour un détecteur de métaux, tapez 2, pour un autre appareil, tapez 3 ; pour réécouter ces choix, tapez 4.

Je décide, fébrile, de taper 3 :

« Si votre appareil est noir, tapez 1 ; s’il est vert pomme, tapez 2 ; s’il est caca d’oie, tapez 3 ; s’il est multicolore, tapez 4 ; pour parler à un conseiller tapez 5. »

Ah, la délivrance est proche me dis-je en appuyant sur la touche 5 :

« Tous nos conseillers étant actuellement en ligne, nous vous invitons à renouveler votre appel ultérieurement. L’horaire le plus favorable est 7h-9h ». Je regarde l’heure. Il est 7h25. Pas de bol.

À la quatrième reprise (je tape maintenant les touches sans regarder…), je tombe sur un humain (si, si, il y en a encore). Fausse joie : ce quelqu’un m’affirme d’une voix péremptoire que je dois faire la démarche sur le site, en précisant, d’un ton prévenant, que si je ne sais pas me servir d’un ordinateur, je peux demander de l’assistance au service numérique de mon quartier. Et vlan ! Conversation terminée.

J’aurais obtenu le même résultat en tapant le carton ou en me tapant la cloche ! En tous cas, je n’ai pas tapé dans l’œil du conseiller qui lui, m’a tapé sur les nerfs.

Stop ! Trop de tapage !

Trois jours se sont écoulés et je n’ai pas avancé d’un iota.

Pendant cette période, j’ai consacré à cette affaire (non vitale – je n’ose pas penser ce qui se serait passé si le souffle de ma vie en eût dépendu) l’essentiel de mon temps et de mon énergie. Un temps et une énergie que j’aurais pu employer utilement à tricoter un pull, à relire À la recherche du temps perdu (de circonstances), à composer un nouvel algorithme approprié à mon cas, à visiter mes voisins, etc.

Voilà pourquoi j’ai décidé d’envoyer un courrier papier et de laisser mon ordinateur et mon téléphone au repos. En vingt minutes, c’est fait. Advienne que pourra. Cela ne peut être pire. Et même, cela se révèle d’une efficacité inattendue…

Le coût de l’opération est le prix d’un timbre postal (peanuts en regard du coût énergétique des trois jours précédents). Et le papier ne me coûte rien (c’est un cadeau 😉).

2 commentaires

  1. Je suis admiratif du billet, aussi bien pour la beauté du style rédactionnel que par la pertinence du développement.

    La révolution numérique nous a dotés d’outils de communication extraordinaires certes, mais il lui manque l’essentiel, à mon vis : l’humanité. Oui, elle semble oublier l’Homme qui est pourtant sa principale cible.

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